L. Aragon : Elsa au miroir C’était au beau milieu de notre tragédie Et pendant un long jour assise à son miroir Elle peignait ses cheveux d’or je croyais voir Ses patientes mains calmer un incendie C’était au beau milieu de notre tragédie Et pendant un long jour assise à son miroir Elle peignait ses cheveux d’or et j’aurais dit C’était au beau milieu de notre tragédie Qu’elle jouait un air de harpe sans y croire Pendant tout ce long jour assise à son miroir Elle peignait ses cheveux d’or et j’aurais dit Qu’elle martyrisait à plaisir sa mémoire Pendant tout ce long jour assise à son miroir A ranimer les fleurs sans fin de l’incendie Sans dire ce qu’une autre à sa place aurait dit Elle martyrisait à plaisir sa mémoire C’était au beau milieu de notre tragédie Le monde ressemblait à ce miroir maudit Le peigne partageait les feux de cette moire Et ces feux éclairaient des coins de ma mémoire C’était au beau milieu de notre tragédie Comme dans la semaine est assis le jeudi Et pendant un long jour assise à sa mémoire Elle voyait au loin mourir dans son miroir Un à un les acteurs de notre tragédie Et qui sont les meilleurs de ce monde maudit Et vous savez leurs noms sans que je les aie dits Et ce que signifient les flammes des longs soirs Et ses cheveux dorés quand elle vient s’asseoir Et peigner sans rien dire un reflet d’incendie | Palimpseste : Africa au miroir de Bacon Elle était belle, elle était folle ses yeux plaintifs de bête traquée de peur et d'envie hésitaient, devant les toiles du mariolle. Elle était belle, elle était folle étoile filante, désespérée ses beaux cheveux en ondulaient, Elle était belle, elle était folle tant la souffrance, elle la vivait. Les larmes sur ses joues roulaient qu'un large sourire en bémol pourtant de lumière coloriait. Un vif espoir l'illuminait... A la torture de tous les viols, de ces peintures au vitriol Elle, bête sauvage, se réveillait. Elle était belle, elle était folle d'Amour la fleur, à meurtrière corolle au fumier des toiles éjaculées d'un sodomite reclus givré. Elle était belle, elle était folle Elle est dragon tenu en licol, ses yeux de braise fulminaient rien, plus rien ne la retiendrait Ni l'inquisiteur espagnol, ni les rêts de la camisole d'une vie creuse sans boussole, Car une rageuse liberté court en elle et désormais couvre ses baisers aux idoles. |
dimanche 8 mars 2009
Elsa au miroir / Africa au miroir
mardi 13 janvier 2009
Stabat Mater / Prière pour E.
Anonyme (XIIIème s.) : Stabat Mater Stabat mater dolorosa Juxta crucem lacrimosa dum pendebat Filius. Cuius animam gementem, contristatam et dolentem, pertransivit gladius. O quam tristis et afflicta fuit illa benedicta Mater Unigeniti. Quae moerebat et dolebat, Pia Mater cum videbat Nati poenas incliti. Quis est homo qui non fleret, Matrem Christi si videret in tanto supplicio? Quis non posset contristari, Christi Matrem contemplari dolentem cum Filio? Pro peccatis suae gentis vidit Iesum in tormentis et flagellis subditum. Vidit suum dulcem natum moriendo desolatum, dum emisit spiritum. Eia Mater, fons amoris, me sentire vim doloris fac, ut tecum lugeam. Fac ut ardeat cor meum in amando Christum Deum, ut sibi complaceam. Sancta mater, istud agas, crucifixi fige plagas cordi meo valide. Tui nati vulnerati, tam dignati pro me pati, poenas mecum divide. Fac me tecum pie flere, crucifixo condolere, donec ego vixero. Iuxta crucem tecum stare, et me tibi sociare in planctu desidero. Virgo virginum praeclara, mihi iam non sis amara: fac me tecum plangere. Fac ut portem Christi mortem, passionis fac consortem, et plagas recolere. Fac me plagis vulnerari, fac me cruce inebriari, et cruore Filii. Flammis ne urar succensus per te Virgo, sim defensus in die judicii Christe, cum sit hinc exire, da per matrem me venire ad palmam victoriae. Quando corpus morietur, fac ut animae donetur Paradisi gloria. Amen ! In sempiterna saecula. Amen. | Palimpseste : Prière pour E. Est-ce la mort qui osa Amen ! In sempiterna saecula. Amen. |
lundi 12 janvier 2009
Ballade des pendus / Ballade de l'attendue
François Villon - Ballade des pendus Frères humains, qui après nous vivez, N'ayez les coeurs contre nous endurcis, Car, si pitié de nous pauvres avez, Dieu en aura plus tôt de vous mercis. Vous nous voyez ci attachés, cinq, six : Quant à la chair, que trop avons nourrie, Elle est piéça dévorée et pourrie, Et nous, les os, devenons cendre et poudre. De notre mal personne ne s'en rie ; Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre ! Se frères vous clamons, pas n'en devez Avoir dédain, quoique fûmes occis Par justice. Toutefois, vous savez Que tous hommes n'ont pas bon sens rassis. Excusez-nous, puisque sommes transis, Envers le fils de la Vierge Marie, Que sa grâce ne soit pour nous tarie, Nous préservant de l'infernale foudre. Nous sommes morts, âme ne nous harie, Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre ! La pluie nous a débués et lavés, Et le soleil desséchés et noircis. Pies, corbeaux nous ont les yeux cavés, Et arraché la barbe et les sourcils. Jamais nul temps nous ne sommes assis Puis çà, puis là, comme le vent varie, A son plaisir sans cesser nous charrie, Plus becquetés d'oiseaux que dés à coudre. Ne soyez donc de notre confrérie ; Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre ! Prince Jésus, qui sur tous a maistrie, Garde qu'Enfer n'ait de nous seigneurie : A lui n'ayons que faire ne que soudre. Hommes, ici n'a point de moquerie ; Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre ! | Palimpseste : Ballade de l'attendue Tant que la belle, ce monde parcourez, armes à la main, et le coeur endurci, tant que la guerre, point ne vous lasserez, vos amours sombrent au loin, dans l'oubli. Vous me voyez ci à pleurer, meutri : rêvant à vous, embrasser ma chérie. Le desespoir pour seule cajolerie, de votre absence, mon âme se résoudre. Ayez pitié, d'une telle idolâtrie, Venez enfin, mes souffrances dissoudre. Votre existence tout entière vouée, aux cultes obscurs, de la diplomatie, n'en sera guère plus grande, sachez, dans la mémoire des hommes, imprécis. Tandis que mon coeur, envers vous transi, s'ouvre à votre éternelle suprématie, Déjà règnez-vous, à jamais sur ma vie, depuis cet infernal coup de fouldre. Pardonnez moi tant, de vile jalousie, Venez enfin, mes souffrances dissoudre. Depuis longtemps, le sommeil m'a quitté, en m'arrachant, aux entrailles l'appétit : Morbide pâleur, des yeux creusés, qui voient approcher mort, et maladie. Entendez l'appel, d'une voix en sursis : avant qu'elle s'éteigne, qui vous supplie, de lui rendre une dernière fois compagnie puissiez vous, alors seulement l'absoudre. Abrégez, cette trop lente agonie, Venez enfin, mes souffrances dissoudre. Princesse le service de la patrie, n'exige point une telle incurie, Princesse le temps, nous presse d'en découdre : Emprutons le chemin de nos envies, venez enfin, mes souffrances dissoudre. |
Ballade des dames du temps Jadis / Ballade de Pénélope
François Vilon : Ballade des dames du temps jadis Dites-moi où, n'en quel pays, Est Flora la belle Romaine, Archipiades, ne Thaïs, Qui fut sa cousine germaine, Echo, parlant quant bruit on mène Dessus rivière ou sur étang, Qui beauté eut trop plus qu'humaine ? Mais où sont les neiges d'antan ? Où est la très sage Héloïs, Pour qui fut châtré et puis moine Pierre Esbaillart à Saint-Denis ? Pour son amour eut cette essoine. Semblablement, où est la roine Qui commanda que Buridan Fût jeté en un sac en Seine ? Mais où sont les neiges d'antan ? La roine Blanche comme un lis Qui chantait à voix de sirène, Berthe au grand pied, Bietrix, Aliz, Haramburgis qui tint le Maine, Et Jeanne, la bonne Lorraine Qu'Anglais brûlèrent à Rouen ; Où sont-ils, où, Vierge souvraine ? Mais où sont les neiges d'antan ? Prince, n'enquerrez de semaine Où elles sont, ni de cet an, Que ce refrain ne vous remaine : Mais où sont les neiges d'antan ? | Palimpseste : Desperate Houseman, la Ballade de Pénélope A vous la belle portant treillis A vous ma jolie capitaine, qui parcourez tous les pays, pour le compte de l'armée cubaine : "Ulysse fait femme" où donc vous mène ? Ce périple qui dure si longtemps Abrégez votre course vaine : Revenez avant le printemps... Un coup fourré dans les taillis, de la jungle sud-américaine, l'Angola, le pétrole, les puits et vous revoilà, africaine. N'écoutez plus ce rythme obscène Des tambours, les guerriers chantant Oubliez les voix des sirènes : Revenez avant le printemps... Quittez vos camouflages enduits le visage sombre de la cheftaine maquillez vos doux yeux et puis, revenez à la vie humaine. Considérez la vie d'Hélène, cause des dures guerres d'antan : combattre n'étoit point son domaine, Revenez avant le printemps... Ici vous serez une reine Notre seul ennemi : le temps Venez boire à cette fontaine Revenez avant le printemps... |
Le dormeur du val / Adieu Narcisse
Arthur Rimbaud - Le dormeur du val C'est un trou de verdure où chante une rivière, Accrochant follement aux herbes des haillons D'argent ; où le soleil, de la montagne fière, Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons. Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue, Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu, Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue, Pâle dans son lit vert où la lumière pleut. Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme Sourirait un enfant malade, il fait un somme : Nature, berce-le chaudement : il a froid. Les parfums ne font pas frissonner sa narine ; Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine, Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit. | Palimpseste : Adieu Narcisse Au bord de l'onde claire, un tapis de verdure, égayé de mille fleurs, enchanté des oiseaux offre un spectacle étrange issu de l'aventure du jeune homme dont était, éprise la belle Echo. D'une pâleur gentille, d'un maladif sourire, étendu sur la mousse, il regardait vers l'eau : la brise sur la nuque, il souffrait de l'empire du visage de l'amour, de se connaître beau. Les pieds dans les roseaux, peu à peu il s'endort, bercé du flot qui coule, un petit vent du nord soulève quelques boucles, caressant ses cheveux. Attendre ainsi l'Aurore, se laisser dépérir, ne plus rien entendre des larmes de colère que, la Nymphe éplorée verse, pour lui qui va mourir... |