lundi 12 janvier 2009

Ballade des pendus / Ballade de l'attendue

François Villon - Ballade des pendus

Frères humains, qui après nous vivez,
N'ayez les coeurs contre nous endurcis,
Car, si pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plus tôt de vous mercis.
Vous nous voyez ci attachés, cinq, six :
Quant à la chair, que trop avons nourrie,
Elle est piéça dévorée et pourrie,
Et nous, les os, devenons cendre et poudre.
De notre mal personne ne s'en rie ;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !

Se frères vous clamons, pas n'en devez
Avoir dédain, quoique fûmes occis
Par justice. Toutefois, vous savez
Que tous hommes n'ont pas bon sens rassis.
Excusez-nous, puisque sommes transis,
Envers le fils de la Vierge Marie,
Que sa grâce ne soit pour nous tarie,
Nous préservant de l'infernale foudre.
Nous sommes morts, âme ne nous harie,
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !

La pluie nous a débués et lavés,
Et le soleil desséchés et noircis.
Pies, corbeaux nous ont les yeux cavés,
Et arraché la barbe et les sourcils.
Jamais nul temps nous ne sommes assis
Puis çà, puis là, comme le vent varie,
A son plaisir sans cesser nous charrie,
Plus becquetés d'oiseaux que dés à coudre.
Ne soyez donc de notre confrérie ;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !

Prince Jésus, qui sur tous a maistrie,
Garde qu'Enfer n'ait de nous seigneurie :
A lui n'ayons que faire ne que soudre.
Hommes, ici n'a point de moquerie ;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !

Palimpseste : Ballade de l'attendue

Tant que la belle, ce monde parcourez,
armes à la main, et le coeur endurci,
tant que la guerre, point ne vous lasserez,
vos amours sombrent au loin, dans l'oubli.
Vous me voyez ci à pleurer, meutri :
rêvant à vous, embrasser ma chérie.
Le desespoir pour seule cajolerie,
de votre absence, mon âme se résoudre.
Ayez pitié, d'une telle idolâtrie,
Venez enfin, mes souffrances dissoudre.

Votre existence tout entière vouée,
aux cultes obscurs, de la diplomatie,
n'en sera guère plus grande, sachez,
dans la mémoire des hommes, imprécis.
Tandis que mon coeur, envers vous transi,
s'ouvre à votre éternelle suprématie,
Déjà règnez-vous, à jamais sur ma vie,
depuis cet infernal coup de fouldre.
Pardonnez moi tant, de vile jalousie,
Venez enfin, mes souffrances dissoudre.

Depuis longtemps, le sommeil m'a quitté,
en m'arrachant, aux entrailles l'appétit :
Morbide pâleur, des yeux creusés,
qui voient approcher mort, et maladie.
Entendez l'appel, d'une voix en sursis :
avant qu'elle s'éteigne, qui vous supplie,
de lui rendre une dernière fois compagnie
puissiez vous, alors seulement l'absoudre.
Abrégez, cette trop lente agonie,
Venez enfin, mes souffrances dissoudre.

Princesse le service de la patrie,
n'exige point une telle incurie,
Princesse le temps, nous presse d'en découdre :
Emprutons le chemin de nos envies,
venez enfin, mes souffrances dissoudre.

Aucun commentaire: